Les idées ci-dessous présentées reflètent ma conception personnelle (péda et dida) de l’entraînement des gardiens de but de handball.
Idée 1 : Le lien entre théorie et pratique → comprendre pour faire
L’apprentissage du Gardien de but ne se fait pas uniquement par la pratique. Ce n’est pas en lui faisant faire quinze exercices différents par séance qu’il va progresser et devenir plus performant en situation de match. Certes, il est important de lui proposer une multitude diversifiée d’exercices spécifiques à son activité lors des entraînements, mais la clé de son progrès dans telle ou telle situation consiste à lui expliquer l’intérêt qu’il a à faire ce qu’on lui demande, d’une manière relativement précise (par le « relativement précise » je sous-entends qu’il ne faut pas lui faire suivre un modèle très précis dans tout ce qu’il fait mais savoir lui laisser la liberté d’agir de la manière qu’il juge la plus efficace pour telle ou telle situation, en fonction de ses caractéristiques anatomiques et physiologiques).
On peut prendre l’exemple des révisions scolaires pour illustrer ce propos. Dans un premier temps, on peut dire à un enfant « Il faut que tu apprennes tes cours pour réussir le jour du contrôle. » Que se passe-t-il alors ? L’enfant va évidemment partager le même avis que l’adulte, mais ne va pas forcément savoir de quelle manière s’y prendre pour être le plus performant le jour du devoir. Dans un second temps, on peut lui dire « Apprends tes cours progressivement, jour après jour si tu veux mieux réussir le jour du contrôle. » ; l’enfant peut demander l’intérêt qu’il y a à agir de la sorte, et l’adulte lui explique alors qu’en apprenant régulièrement son cours, par petits bouts, il va en mémoriser la totalité plus facilement que s’il devait tout apprendre la veille du jour J. L’enfant va donc être d’accord avec ce raisonnement, le juger pertinent, et va peut-être même le suivre, c’est ce que l’on souhaite.
Il en va de même au handball avec joueurs de champ et gardiens de but. Si on dit à ce dernier « Mets tes mains comme ça en préparade », on peut être sûr qu’il va le faire sur une action et qu’il ne le fera plus jamais par la suite. Si en revanche on tient un discours comme le suivant : « Si tu joints tes mains au-dessus de ta tête comme toi tu le fais, tu vas mettre deux fois plus de temps que moi pour arrêter le ballon qui arrivera en lucarne. En effet, regarde, mes mains étant positionnées comme cela, j’ai juste besoin de faire ce tout petit geste pour avoir le ballon alors que toi tu as besoin de faire un grand geste pour l’avoir ». (cf photos ci-dessous). Dans ce cas là, le gardien va admettre qu’il n’agit pas de façon optimale et va tenter d’y remédier de lui même. Bien entendu, cela demande une grande attention car on cherche à re-paramétrer une habitude bien ancrée.
Autre exemple, si on dit à un gardien qui ne fait ses parades basses qu’avec ses membres inférieurs « Mets la main aussi pour arrêter un ballon en bas », il va le faire une fois, pour faire plaisir à son entraîneur et lui montrer qu’il l’écoute, mais sans pour autant comprendre pourquoi il est nécessaire d’ajouter la main au pied à ce genre de parade. D’où l’intérêt pour l’entraîneur de lui expliquer qu’ « en ajoutant au pied une surface d’opposition au ballon supplémentaire (la main), on divise par deux le risque de prendre un but. Si le ballon rebondit ou glisse sur le pied, la main sera là pour empêcher le ballon de terminer son chemin dans les filets. ». Tout comme le précédent exemple, il s’agit de faire acquérir une bonne habitude pour en remplacer une mauvaise ; le gardien de but a conscience de l’intérêt qu’il a de changer de comportement, mais il peut avoir des baisses de vigilance du fait que son comportement premier ait été automatisé. Il faut donc que l’entraîneur soit attentif et qu’il fasses des rappels de consigne très simples dès qu’il le faut.
Idée 2 : Favoriser la prise d’initiative plutôt que poser des contraintes
L’apprentissage du gardien de but sera plus efficace s’il tient lui même compte d’un certain nombre de paramètres situationnels et interagit avec, que si on le contraint à se focaliser sur l’un d’entre eux et à agir en fonction de ce dernier. Plus clairement, il est plus intéressant de mettre en place des exercices au sein desquels le gardien de but découvre l’environnement avec lequel il doit interagir, et avec lequel il va se familiariser petit à petit, par l’essai, plutôt que de planter un décor et lui faire respecter une ligne de conduite commençant par un comportement A, passant par un autre comportement M et terminant par un comportement Z.
Quand je me déplace lors de séances d’entraînement ou que je discute avec des entraîneurs sur l’apprentissage du gardien de but dans tel ou tel domaine, je me rends compte que ces derniers sont plus axés sur le second cas de figure énoncé que le premier. En effet, quand je leur demande ce qu’ils font pour améliorer le jeu du gardien de but à l’aile par exemple, ils me répondent systématiquement « on leur met un ballon entre les jambes pour pas qu’ils la lèvent » ou encore « on attache un pied à un poteau par un élastique pour ne pas qu’il le décolle du premier poteau ». A ce genre de réponses, je leur demande s’ils font jouer leurs joueurs de champ avec des menottes ou pas. Empêcher le gardien de but de se servir ses jambes en lui mettant un ballon entre elles, c’est comme empêcher le joueur de champ de se servir de ses bras en joignant ses mains. Ni l’un ni l’autre ne peut alors jouer librement et contrôler son propre corps.
Ce que l’on peut faire pour que le gardien de but se sente de plus en plus à l’aise sur des exercices de tirs à ce poste, c’est lui laisser un degré de liberté plus important, et faire en sorte que la contrainte ne soit pas physique. On peut par exemple placer une haie pas trop haute derrière le gardien de but sans qu’elle ne le gêne, et donner comme consigne aux tireurs de tirer sous cette haie. Par conséquent, le gardien de but sait plus ou moins dans quelle zone les tirs vont être situés, et va défendre, de lui même, un certain espace en prenant ses repères progressivement, suite à des échecs et des réussites. Au début, il se sent perdu car il ne voit pas l’espace à défendre et ne sait pas où se placer, mais il va, au fur et à mesure, adopter un placement qui lui permettra d’intervenir plus facilement et plus sereinement sur les ballons qui arrivent.
Idée 3 : Avoir une utilisation pertinente du matériel à disposition
Autre cas de figure remarquable, beaucoup d’entraîneurs mettent aussi en place des exercices où ils imposent au gardien de but d’aller toucher un plot (ou le poteau opposé) avant de faire la parade. Je reste sceptique vis-a-vis de cette procédure. Il faut savoir l’utiliser à bon escient, pour des fins bien précises. J’entends par cela que la contrainte demandée au gardien de but ne doit pas aboutir à l’automatisation d’un mouvement non approprié à la situation donnée ; elle doit permettre la découverte, la prise de conscience de sensations (physiologiques, biomécaniques, psychomotrices) bien précises qu’on sera amené à ressentir lors de l’exécution correcte d’un mouvement propre à une situation particulière. La sensation est donc l’indicateur de la réalisation correcte d’une action. On ne devrait pas demander pas au gardien de but d’aller toucher un plot placé à tel ou tel endroit avant de faire n’importe quelle parade en se disant que l’exercice peut lui faire acquérir certaines sensations particulières et propres au gardien de but. Il faut utiliser les plots dans un cadre bien précis qui englobe :
– une consigne bien précise pour le tireur : impact défini et obligatoire
– une consigne bien précise pour le gardien de but : départ pour toucher le plot à tel ou tel moment
– un aménagement du milieu adapté à la situation mettant le gardien de but en difficulté sans rendre la tâche impossible.
Les plots doivent servir de repères, spatiaux, ou spatio-temporels, pour le gardien de but. Les exemples suivants illustrent ces différentes possibilités :
– Repères spatiaux : on peut placer des plots à des endroits particuliers dans la zone afin de sensibiliser le gardien au placement le plus efficace à avoir en fonction d’un porteur de balle présent à un poste particulier.
L’arrière tire (appui ou suspension) entre les 2 plots rouges devant lui. Le GB se place où il veut, ou bien entre les deux plots bleus, ou bien entre les deux plots rouges. Il testera les deux placements pour choisir celui qu’il considère le plus approprié.
– Repères spatio-temporels : on peut demander à un gardien de partir de faire un déplacement d’un plot à un autre avant de faire un geste particulier, pour le mettre en crise de temps sur une action prédéterminée, mais cela suppose qu’il maîtrise déjà le geste demandé à l’issue du déplacement/placement.
Idée 4 : Le progrès sera plus grand et rapide si le gardien de but est capable d’analyser son action lui même, sans que l’entraîneur lui donne directement les informations.
Le gardien de but doit aiguiser son sens critique et son analyse s’il veut progresser. Le progrès n’est possible que si l’on est capable de revenir sur ce que l’on a fait en réfléchissant aux facteurs qui ont déterminé ce que l’on a fait et à ceux qui auraient pu déterminer ce que l’on aurait pu faire. C’est en tenant compte de ces réflexions qu’on cherche à changer de comportement sur l’action suivante pour s’y adapter plus pertinemment.
Au cours de la formation, lorsque le gardien de but a acquis les bases du jeu et que son propre jeu commence à se déterminer, l’entraîneur peut lui faire remarquer des traits caractéristiques concernant tel ou tel tireur adverse et lui donner la solution pour intervenir efficacement. En s’assurant que le gardien de but ait compris ces remarques, on peut dire qu’il possède des connaissances supplémentaires. Le soucis est qu’il en tient compte jusqu’au moment où il sera de nouveau en échec. Il considérera que la remarque et le conseil n’étaient valables qu’un temps qui n’est plus actuel. On peut remédier à cela en lui demandant d’analyser sa propre action en fonction d’un tir qu’il vient d’avoir, et ce sur une série de plusieurs tirs consécutifs. L’objectif de cette méthode de « débriefings rapides en temps réel » est de faire en sorte qu’il parvienne à analyser son action sur chaque tir arrêté et encaissé et d’imaginer lui même ce qu’il peut faire ou ce qu’il a fait pour répondre correctement à ce cas de figure. En automatisant ce comportement, le gardien de but devient plus autonome, plus responsable, et se détache progressivement des savoirs de son entraîneur.
Un gardien de but aura beaucoup moins besoin des remarques de son entraîneur s’il sait réfléchir lui-même et progressera plus rapidement que si l’entraîneur récolte pour lui tous les indices à prendre en compte pour réaliser l’arrêt.