L’arrivée de la joueuse polyvalente dans la nouvelle règlementation des Intercomités féminins (2016-2017) peut déstabiliser les entraîneurs/sélectionneurs, et les joueuses elles-mêmes. Pour une joueuse de champ comme pour une gardienne de but, partager son temps de jeu entre le terrain et les buts peut être inconcevable, tellement elle aime sa pratique actuelle et l’orientation qu’elle a voulu lui donner. Pour l’entraîneur, le défi est de taille. Il doit non seulement convaincre les filles de son groupe de l’intérêt de jouer sur le terrain et dans les buts, mais il doit aussi organiser ses séances de sorte à ce que la progression sur le terrain de jeu inhabituel (champ pour les gardiennes et buts pour les joueuses).

Que peut-on faire pour que cela se passe au mieux ?

• Montrez que vous êtes d’accord avec cette nouvelle règle même si vous ne l’êtes pas : Pour certaines joueuses qui pourront être concernées par cette règle, le déroulement de l’année de formation, compétition, détection va se jouer lors de la présentation de cette règle. Si elles voient que vous n’y portez aucun intérêt, elles n’en porteront pas à leur tour. En conditionnant négativement d’entrée de jeu leur opinion quant à cette règle, vous n’obtiendrez aucun investissement bénéfique pour la compétition et pour le groupe de leur part. En les conditionnant positivement, elles pourront s’investir à l’entraînement, être plus motivées et plus curieuses, et les performances positives du groupe seront plus probables. N’oubliez pas qu’elles s’imprègnent de vos émotions et de vos convictions. En tenant des propos tels que “il y a une nouvelle règle qui va nous emmerder et qui ne sert à rien”, elles vont à coup sûr partager votre point de vue, et il va être renforcé quand elles vont savoir qu’on leur demande de devenir bonne dans un secteur de jeu où elles n’ont pas l’habitude d’évoluer ni forcément l’envie. La façon dont vous présentez l’arrivée de cette nouvelle règle va donc être déterminante pour l’année de formation, compétition et détection dans laquelle vous les accompagnez. Le ton de vos propos et votre attitude ont une importance cruciale, et peuvent être quitte ou double pour les performances à venir. Par conséquent, même si vous êtes contre cette règle et que vous avez le droit de ne pas partager l’avis de la DTN, ne le montrez pas aux filles.

• Présentez-leur l’intérêt de la nouvelle règle pour leur parcours de handballeuse : Insistez sur ce qui les motive le plus : cette règle peut les aider à être encore plus détectées pour les stages régionaux et nationaux parce qu’elles seront plus facilement “visibles” que les autres avec ce nouveau statut.
  

• Présentez cette règle comme un tremplin pour leur progression individuelle : en inversant les rôles, chacune saura mieux comment piéger l’autre une fois qu’elle reprendra son statut initial. Une gardienne de but, en se trouvant en situation de double duel (défenseur + gardienne de but), va découvrir les difficultés de la tireuse et va donc identifier les tirs les plus faciles à faire et qui sont le plus souvent faits. Avec ces nouvelles expériences, elle pourra imaginer plus facilement ce que la tireuse peut faire ou non dans le double duel, et agir plus sereinement et avec pertinence et cohérence. L’inverse est aussi valable, du point de vue de la tireuse. En observant des tireuses pendant le duel, elle pourra identifier les tirs qui sont faciles et difficiles à parer pour la gardienne, et donc produire des tirs de meilleure qualité.

• Rassurez-les quant à la faisabilité du projet : vous devrez les rassurer quant au fait qu’elles peuvent vite atteindre un niveau suffisant dans le secteur de jeu qui leur fait actuellement défaut (champ pour les gardiennes et but pour les joueuses). Soyez honnête et réaliste : dites-leur qu’elles ne deviendront pas d’excellentes gardiennes de but ou joueuses de champ en une saison, mais qu’elles progresseront et qu’elles seront fières de contribuer actiement aux victoires de l’équipe. Vous connaissez vos joueuses, à vous de trouver les mots pour les mettre en confiance.

• Accordez-leur de l’importance pendant les entraînements : elles découvriront des situations qui leur seront plutôt inconnues donc elles manqueront de confiance. C’est à vous de leur en donner, en valorisant leur investissement et leurs résultats. N’hésitez pas à leur donner des repères, mais ne les noyez pas sous une montagne d’informations ! Rien de tel pour les mettre en confiance, pour obtenir un investissement certain et pour maintenir leur attention toute une séance, que de leur donner 1 ou 2 objectifs de travail dans la séance. 2 éléments maximum sur lesquels elle devront se concentrer, avec des critères qui leur permettront, toutes seules, de savoir quand elles progressent (exemples : Si son adversaire directe, porteuse de balle, termine son action par un tir en secteur externe, c’est que la défenseur a correctement orienté ses appuis et a su gérer sa distance de combat. Si le ballon ne sort pas de la zone après l’impact, c’est que la gardienne a réussi à contrôler son arrêt). Etablissez, si vous pensez que cela peut-être utile, un carnet de suivi des objectifs de travail.

• Faîtes des briefings et débriefings individuels :  Avant l’entraînement, demandez-lui ce qu’elle veut travailler particulièrement. Si elle n’a pas d’idée, aidez-la. A la fin de l’entraînement, demandez-lui comment elle s’est sentie vis-à-vis de ce qu’elle a pu travailler, et si elle veut continuer de se focaliser dessus aux prochains entraînements ou si elle sent qu’elle peut (ou si elle veut) passer à autre chose. Il est important qu’elle se sente réellement accompagnée dans ce qu’elle peut considérer à juste titre comme une vraie galère. Avant les matchs, il est important que vous preniez le temps de discuter avec elle, et de lui dire ce qu’elle sait faire de bien. Rassurez-la en insistant sur ce qu’elle maîtrise. Dites-lui que vous n’attendez pas d’elle qu’elle qu’elle fasse des choses qu’elle ne sait pas faire, mais simplement de faire ce qu’elle sait faire. A la fin des matchs, revenez sur les points positifs, et valorisez ce qu’elle a bien fait, même s’il ne s’agit que d’un tir ou un arrêt. Invitez-la à verbaliser ce qu’elle ressent pour l’aider à tourner la page.

• Demandez aux entraîneurs d’appliquer la polyvalence durant les entraînements hebdomadaires ET les matchs : plus elles auront du temps de pratique là où elles doivent progresser, et plus elles progresseront vite, cela va de soi.  Les clubs doivent former la joueuse à pratiquer le handball ET à pratiquer en situation de compétition. S’ils la font jouer avec le statut de joueuse polyvalente uniquement à l’entraînement, il ne faudra pas s’attendre à ce qu’elle sache performer en match d’intercomités. Il faut donc que les entraîneurs appliquent la polyvalence tant à l’entraînement qu’en match. S’ils ne veulent pas le faire pour les matchs aux enjeux les plus élevés c’est leur droit, mais il faut quand même les inciter à le faire aussi souvent que possible.

Le cas présenté est celui dans lequel on définit une gardienne de but comme étant la joueuse polyvalente. Cependant, on peut observer ou envisager l’application de 4 différentes stratégies lors de la compétition. Ces stratégies sont présentées ci-dessous.

1 – Vous avez deux gardiennes de but de formation, qui pourraient jouer sur le terrain :

2 – Vous avez au moins une gardienne de but de formation, qui pourrait jouer sur le terrain :

3) Vous n’avez aucune gardienne de but, qui pourrait, selon vous, jouer sur le terrain :

4 – Vous n’avez qu’une gardienne de but de formation, et vous estimez qu’elle ne peut pas jouer sur le terrain :

Avant de choisir une stratégie, il est important de garder à l’esprit que l’un des buts de cette règle d’encourager la poursuite d’une pratique polyvalente, plutôt chez les gardiennes de but susceptibles d’être sélectionnée dans les différentes étapes du Parcours d’Excellence Sportive. De fait, il est nécessaire de s’interroger sur la pérennité du projet de l’année. Est-il pertinent d’attribuer ce statut à une joueuse qui a peu de chances d’être sélectionnée pour les étapes à venir ? Est-il pertinent d’attribuer ce statut à une joueuse de champ et de priver une gardienne de but de la moitié de son temps de jeu potentiel ?

Peu importe la stratégie choisie, l’année avec cette nouvelle règle peut très bien se passer pour tout le monde, à condition de savoir mettre les joueuses en confiance et en conditions de pratique optimales. Et qui sait ? peut-être que certaines prendront goût à la polyvalence, voudront prolonger l’expérience, et joueront en N2 voire plus haut, tant sur le terrain que dans les buts…