Conf’in’hand spé GB #2 : Déplacement, Placement, Parade à l’aile (invité : D. Karaboué)

En cette période de confinement, Gardien-Handball.fr vous propose un cycle de visio-conférences sur des thèmes spécifiques au poste de Gardien de But : les Conf’in’hand Spé GB. La deuxième, a eu lieu le mercredi 1 avril à 18h. Le thème abordé était Le déplacement, le placement et la parade du Gardien de but et un focus a particulièrement été réalisé sur le duel à l’aile et la relation entre les notions de placement et de mode de jeu.

L’invité du jour : Daouda Karaboué

Daouda Karaboué est un ancien gardien de l’équipe de France, multi-médaillé des compétitions internationales majeures. Il est actuellement entraîneur au pôle PACA et en équipe de France U21, et vient de lancer son entreprise KeeperZone, que vous pouvez suivre via sa page Facebook ou son compte Instagram.


Plan de l’intervention

Introduction : “reste au premier poteau !!” (à 1mn)
Placement et modes de jeu (à 8mn25)
Discussion autour des modes de jeu et du placement + vidéos (à 11mn50)
Conclusion : que prendre en compte pour se placer ? (à 28mn30)
Questions-réponses (à 34mn40)


Replay de l'intervention :

Retranscription des questions posées en direct et réponses complémentaires :

A propos des modes de jeu en général :

De  drenouard : Le Mode de jeu provoquer n’est pas aussi simple à mettre en place sur le côté féminin vs les gars / l’aspect confiance est déterminant chez les jeunes filles ? est-ce vraiment la même démarche fille gars ?
– Daouda : L’aspect confiance est déterminant tout simplement pour la fonction de GB, et c’est une chose qui peut se travailler si l’on ne naît pas avec mais tout de même nécessaire d’avoir déjà un petit capital autant chez les gars que les filles.
– Marie : avant de lancer mon/ma GB sur le travail du jeu en provocation, j’essaye de voir si elle ou il a déjà une appétence pour piéger le tireur ou le mettre en difficulté. Si je sens qu’il/elle est, initialement, par son caractère, un peu joueur/joueuse, je le/la mets directement à travailler ce mode de jeu sur le duel à l’aile : ouverture/fermeture de l’espace entre les jambes, ou au premier poteau (je restreints l’angle de tir avec un plot ou un déplacement d’un défenseur, de sorte qu’ils aient un angle ni trop petit ni trop grand pour tirer), en leur demandant à quelles conditions on peut le faire (taille de l’angle de tir, tireur qui prend l’info sur ce que le GB fait…). Si c’est beaucoup moins naturel pour le/la GB de mobiliser ce mode de jeu, je les initie à cet apprentissage lors des tirs d’échauffement d’arrière avec ou sans défenseur. Je leur demande juste d’essayer de trouver un placement qui donnera envie aux droitiers à droite et aux gauchers à gauche de tirer au premier poteau. Juste ça. Ils trouvent la solution seuls et ajustent leur placement au fur et à mesure pour être dans le bon timing pour faire l’arrêt. Ça marche très bien avec des très jeunes mais ça peut se faire à tout âge. Ce sont quelques exemples, il y a d’autres pièges qu’on peut tendre.

De  Jeanne : J’ai actuellement un mode de jeu de lecture (je m’adapte au joueur et le suit) et j’aimerais passer à un mode de provocation (ouverture et fermeture d’espace) auriez-vous des conseils et des exercices pour réaliser cette transition?
– Daouda :
L’adaptation au joueur est un savoir-faire à acquérir, ensuite il est évident que plus la palette de mode de jeu est maîtrisée plus le jeu sera riche. Te conseil de passer par le jeu pour ce qui est de la provocation ou plus purement du jeu.
– Marie : Voir réponse précédente

De  christophe : Du coup doit-on être plus joueur? On peut essayer de jouer mais d’avoir en face un joueur encore plus joueur non?
– Daouda :
Préférable d’avoir la plus grande maîtrise des modes jeu que d’en favoriser un. Le challenge est encore plus existant à ce moment, par contre il est impératif d’être également plus respectueux de ses fondamentaux à ce moment précis pour une grande précision.

De  Mika : Quels conseils ou exercices mettrais tu en place pour empêcher un GB (peu d’expérience) d’anticiper “bêtement” (sans réellement prendre d’indices pertinents), afin qu’il se concentre sur son placement?
– Daouda :
Avant tout si je souhaite qu’il se concentre sur son placement, j’accentuerai mon travail sur le placement et lui parlerais de ce que de ça à ce moment précis. Ensuite mon fonctionnement est de travailler avec lui l’impact qu’a ce placement par apport aux situations mises en place, et là nous sommes dans la prise d’information,”bêtement” (sans réellement prendre d’indices pertinents).
– Marie : je commencerais par un travail de lecture des tirs de loin si c’est possible pour que le GB soit en mesure d’associer la latéralité du joueur, l’orientation de sa course et de son impulsion et donc de deviner où il lui sera le plus facile de tirer. Chez les jeunes, surtout chez les filles, on voit beaucoup de tirs qui sont faits « dans le bras », tout droit dans le « couloir de tir ». En demandant à des tireurs de faire de grandes courses vers l’intérieur (sans et avec défenseur au contre), le GB pourra s’en rendre compte, et n’arrêtera pas son déplacement au milieu du but mais accompagnera le déplacement du tireur un peu plus longtemps. On peut évoluer en intégrant des droitiers à droite ou gauchers à gauche pour forcer le GB à traiter l’info de la latéralité.

De  Ahmed   : est ce que les parades changent entre le début de match et la fin du match ?
– Daouda :
Il arrive régulièrement que la précision, rapidité ou la prise d’information décline au fur et à mesure du temps passé et de l’énergie dépensée, donc oui dans l’évolution du match les qualités des parades peuvent changer. La répétition gestuelle est la concentration qui peut l’atténuer.
– Marie : Naturellement, avec la fatigue, n’importe quel joueur va basculer en fin de match sur ce qu’il préfère faire, ce qui est naturel pour lui, ce qui est automatique. On le voit sur les impacts de tirs par exemple. Si le GB est capable de faire l’effort de rehausser son niveau de concentration en fin de match pour lutter contre sa fatigue et rester lucide dans ce qu’il fait et observe, il peut plus facilement arrêter les derniers tirs.

De  Yann DeNormandie : Les jeunes ont souvent tendance à lever un pied ou sauter lors de tir à l’aile en bas. Est-ce des gestes parasites et comment corriger ça ?
– Daouda :
Pas d’autres ressources que de la recherche de cohérence dans ce qu’ils produisent, donc de l’échange et de la prise de conscience de leurs actions. Ballon en bas = Pieds en bas Ballon en haut = Mains en haut.
– Marie : Geste parasite oui, activé ou bien par la peur du choc avec le ballon ou bien par la peur de se faire gronder par l’entraîneur s’il ne « fait rien ». Il y a des parades que le GB fait parce qu’il ne sait pas quoi faire (lever une jambe = pari), donc en proposant quelque chose, il limite le risque qu’on lui reproche de n’avoir rien fait pour s’opposer, mais c’est inconscient comme processus je pense.

A propos de l’organisation motrice :

De  LAURENT :  Bonjour Petite question dans le cadre de la formation du jeune GB et la découverte du 1er poteau et du placement, faut-il prioriser en premier l’avancé  du pied coté 1er poteaux pour suivre avec la préparade et la parade ? merci
– Daouda :
Selon le feeling, tant que le placement et la stratégie sont bonne !
– Marie : J’ai vu 2 entraîneurs de nationalité différente s’exprimer à ce sujet. Abas Arslanagic (Yougoslave) est favorable à décoller le pied du 2ème poteau en 1er, et justifie ça en disant que la priorité est d’arriver placé dans la trajectoire du tir donc de prendre de l’avance sur l’endroit où le tireur va se trouver vers la fin de sa suspension/de son action. Pour lui, si c’est fait dans un bon timing, la jambe au premier poteau peut toujours intervenir pour parer le tir au premier poteau. A l’inverse, Timea Súgar (Hongroise) préfère avancer le pied au premier poteau en premier et ensuite se déplacer pour accompagner le tireur en l’air. Sa priorité est de maintenir le premier poteau fermé. Pour ma part, j’aime bien les deux, pour les raisons invoquées par ces 2 entraîneurs, donc je laisse mes GBs choisir ce qu’ils préfèrent faire. J’ai un peu peur de les brider au niveau moteur si je leur impose un fonctionnement plutôt que l’autre dans ce duel qui est difficile à gérer (la charge émotionnelle est à mon avis plus élevée à l’aile qu’ailleurs, et il faut être capable d’agir très très vite à l’aile, ce qui doit beaucoup être travaillé).

De  Geoffray : Quid du placement des bras sur les différents tirs lors de la pré-parade ?
– Daouda :
Il doit toujours voir ce qui lui servira à arrêter la balle.
– Marie : Spontanément je pense aux difficultés que les GBs, tant en jeunes qu’en séniors, tant amateur que pro, peuvent avoir à coordonner/dissocier leurs 2 bras sur les duels proches. C’est probablement une qualité motrice des plus difficiles à maîtriser. Plus largement, les mains doivent être placées de façon à pouvoir atteindre le plus vite possible les 4 coins du but, donc pas trop haut, pas trop bas, toujours devant le GB. Un grand GB n’a donc pas besoin d’avoir les bras en l’air en permanence car il va mettre beaucoup plus de temps à les baisser s’il veut intervenir en bas, et inversement, un petit GB n’a pas d’intérêt à garder ses bras en bas. Autre point, choisir de placer ses bras à telle ou telle hauteur, tel ou tel endroit, peut être une tactique de jeu en provocation. Il faut juste veiller à ce que le GB ne fasse pas toujours la même chose avec ses bras, dans la multitude de configurations possibles de duels.

A propos du déplacement :

De  ttity : Mais le GB suit qui le joueur et sa course et/ou le bras Porteur ?
– Daouda :
Le joueur, sa course et le bras Porteur sont tous des indices dans sa prise d’infos.
– Marie : cela dépend de notre intention. Si on veut faire tirer un ARG droitier au 2ème poteau, il vaut mieux suivre son buste puisque le tireur se sentira « en avance » dans le contournement du GB et la trajectoire jusqu’au 2ème poteau lui semblera la plus facile. Pendant la circulation de balle je préfère qu’ils se placent toujours face au ballon, et quand la balle est en l’air pendant la passe, je leur demande d’être placé à l’endroit où la balle va arriver, avant que le joueur ne la réceptionne (timing et orientation dans l’espace très précis)

De  Arnaud Villedieu : Daouda, peux-tu nous parler de la notion de timing ?
– Daouda : Comme son nom l’indique, être dans le bon tempo. Ni trop tôt, ni trop tard, très utile pour piéger ou provoquer. Il peut se travailler de façon moteur mais aussi associer au visuelle ou à l’ouïe.

Questions sur le morphotype :

De  Ruddy : A l’aile, un gardien petit ou de taille moyenne (1m75 environ) doit il agir, se placer ou se déplacer comme un gardien de grande taille ? doit-il privilégier plus le bras porteur ?
– Daouda :
Un GB de taille moyenne ou petite, doit avoir un sens du placement, de la prise d’info n’encore plus développer qu’un GB de grande taille. Savoir se placer dans son but doit être une force pour lui, car son jeu sera très souvent plus aérien ou piégeur qu’un grand GB, ensuite enrichir ses savoirs-faire par une très bonne lecture de trajectoire plus que de l’anticipation (qui est une chose qu’il doit exercer mais qui ne vient qu’à force d’expériences).
– Marie : si on considère qu’un grand gardien a de plus longues jambes qu’un petit et qu’il peut parcourir « rapidement » sans gros effort une certaine distance, on peut alors penser que le petit gardien devra développer des qualités de vitesse de déplacement, fréquence des appuis pour parcourir aussi rapidement la même distance. Cela dit, certains grands gardiens sont lents, et des petits vifs, donc sur le point du déplacement, peut-être que les plus avantagés ne sont pas systématiquement les grands. Pour le placement, le petit doit nécessairement s’adapter à sa taille et être joueur (provocateur) deviendra plus impératif pour lui que pour le grand GB. Pour agir, si la longueur de ses membres est plus courte que celles d’un grand gardien, il va devoir travailler encore plus sa vitesse d’exécution, donc être capable de réaliser ses techniques le plus vite possible (gros travail de répétition à l’entraînement). Je vous renvoie au replay de la semaine dernière avec Alexis Poirier sur le thème de la formation du GB selon son morphotype.

De  christophe : Comment gérer la profondeur par rapport à la ligne de but et son morphotype? Arc de cercle et orientation?
– Daouda :
Commencer par lui demander de faire un pas en partant de sa ligne de but, est-il à l’aise pour appréhender les tires à cette distance. C’est une chose qui se fait à deux entraîneurs entraînés, sentir et ressentir si la position est idéale pour s’exprimer par rapport à la morphologie, puis travailler le timing de prise de profondeur.
– Marie : Par une exploration de la profondeur selon les secteurs de jeu et la contrainte posée aux tireurs. Petit ou grand on peut par exemple monter très haut sur un pivot ou un ailier très embêté par le défenseur et qui de fait ne parvient pas à prendre l’information sur ce que le gardien fait. Par contre, monter aussi haut sur une fin de contre-attaque n’a pas d’intérêt (sauf si le GB veut provoquer le lob mais charge à lui de l’arrêter). C’est une question qui a aussi été posée la semaine dernière. Il n’y a pas de solution clé en main, personnellement je ne pense pas pouvoir diriger mes GBs en leur disant « monte maintenant et à cet endroit ! ». Ce n’est pas ma façon de faire. Je leur demande d’essayer différentes « hauteurs », ils se rendent compte que le timing pour courir vers l’avant est différent, que ça implique des qualités physiques de sprint très court, et une fois qu’ils sont sensibilisés à ces paramètres, je leur pose des questions comme « ok, tu trouves que tu étais comment là niveau timing pour te placer ? t’étais à l’heure ? en retard ? en avance ? », « t’en penses quoi de ta profondeur pour ce duel ? trop haut ? bien ? pas assez ? »

A propos des repères à prendre :

De  FABRET Maximilien : Quels repères le GB doit-il prendre en compte pour son placement en sachant que la cible qu’il protège se situe dans son espace arrière ?
Daouda :
Le premier repère est: BALLON + TETE + CENTRE DU  BUT.

De  Thib : commencer peut-être par faire comprendre au jeune gardien quelle place il occupe dans la cage, savoir s’il ou pas conscience de sa taille et de la place qu’il prend?
Daouda :
Le travail avec l’élastique est vieux comme le monde, mais il montre aux GB l’espace qu’ils prennent et l’impact qu’ils peuvent avoir selon la manière dont ils se placeront.

De  christophe : Les repères dans l’idée sont donnés par les poteaux touchés je crois comprendre
– Daouda :
Au début ils peuvent s’en servir comme repères pour par la suite, réussir à se déplacer et se placer sans toucher les poteaux.
– Marie (réflexion globale sur les 3 questions) : On peut associer la notion de « repère » à 2 types de repères : 1) les repères qui nous servent à savoir où on se situe par rapport à notre but (on peut toucher les poteaux, ou regarder le point de 4m par exemple). Passer par les repères tactiles est primordial, surtout pour les jeunes en pleine croissance, si on veut qu’ils prennent conscience de leur envergure et des distances qu’ils sont capables de parcourir en conséquence. 2)  les repères qui nous servent à savoir comment la situation va évoluer dans les secondes suivantes (course d’un défenseur qui vient aider un partenaire, donc décalage possible sur un joueur qui sera en situation favorable de tir, anticipation précautionneuse du déplacement/placement) ou dans les millisecondes suivantes (organisation motrice du tireur : gêne ou non du défenseur, orientation de sa course, de son pied d’appel, de sa trajectoire aérienne, de ses épaules, de son bassin, de son regard, la hauteur de son bras, le placement de son bras plus ou moins éloigné, etc…)

La qualité du tir :

De  bourgey : tir à l’aile vraie révélateur de talent ? révélateur de la formation ?
– Daouda :
Je dirais de talent car le tir à l’aile est révélateur de précision technique et tac tic mais avant tout de courage ! Ce qui est de l’ordre du caractère pour moi, plus que de la formation.

De  Romain : le duel avec le tireur étant le coeur du poste comme tu le dis… quand les tireurs sont “lambdas” justement, comment optimiser son spé GB ? Où et quand mettre les contraintes pour que ça ne déconnecte pas trop de la réalité ?
Daouda :
On peut donner plusieurs possibilités aux tireurs, moins de distances, des déplacements ou une réaction pour donner du retard au GB comme de multiples autre contraintes possibles. Mais ça ne suffira qu’un temps, car s’il veut continuer à avancer il sera obligé de changer de catégorie. Il n’y a pas mieux que la mise en situation.
– Marie (réflexion globale sur les 2 questions précédentes) : Pour faire progresser les GBs, il faut de bons tireurs. Donc, l’entraîneur des GBs doit être un spécialiste des duels GB/Tireur et Tireur/GB. 😉 A mon sens, si un ailier tire toujours sans regarder le GB et souvent sur lui, en sautant vers lui, le GB peut généraliser une peur du choc avec le ballon dans tous les duels à l’aile, et il ne va pas développer ses capacités à accompagner un tireur qui aurait plus de savoirs-faire individuels (détente, ouverture d’angle, jeu avec son bras et son poignet). Donc plus tôt on peut former les joueurs à contourner le GB, peu importe le secteur du tir tant que c’est aux 6m, mieux ce sera. Le GB apprendra davantage à jouer avec le tireur. En ce sens, je préconiserais peut-être d’aborder ce contenu sur des duels depuis le secteur central jusqu’à l’aile avec les plus peureux, ou directement à l’aile pour les plus téméraires. C’est facilement intégrable pendant l’échauffement gardien, tant à l’entraînement qu’avant un match.